Montana – Eloge de la route

Je n’imagine pas un vrai voyage sans route. Philosophiquement parlant, les moments sur la route sont passionnants. Ils forcent à voir un pays et les gens sous un nouvel angle, à explorer un autre aspect des choses. Dans les villes, on doit suivre des règles, c’est inévitable. Si on s’arrête subitement, sans raison particulière, si on se met à chantonner, à rire, ou à faire quoi que ce soit de spontané, les gens s’effraient, se montrent souvent hostiles. Sur la route, on peut stopper où on veut, rester assis dans un coin sans rien faire, contempler le ciel ou ce que l’on veut, les gens ne s’étonnent pas. Les choses qu’ils n’acceptent pas en ville ici, ils n’y font pas attention. C’est un espace de liberté énorme. En même temps, cela permet de balayer pas mal de stéréotypes que l’on peut traîner sur un endroit. On prend plaisir à entrer dans une station d’essence pour un café chaud, à rompre la monotonie avec des touristes. Comme on doit souvent tenir une certaine durée, on éprouve de la sympathie pour des évènements qui autrement nous passeraient à travers. On peut réfléchir tranquillement à tout un tas de choses, à des nouvelles idées, à ses problèmes, à ce vous a amené là. Comme cette image que j’ai retrouvée dans mon sac…

Cette photo a été prise dans les années 30. Avant que l’Europe n’entre en guerre. Avant que l’Amérique du Sud ne soit une bulle d’insouciance pour les européens à peine sortis d’années de drames. Nous, nous allions les connaître bien après. Elle a été prise quelque part sur la route de Vina del Mar où mon grand-père et ma grand-mère aimaient aller en voiture. La ville avait été en partie détruite par le tremblement de terre de 1906 et reconstruite dans un style néo-classique. On venait d’ouvrir le casino – aujourd’hui l’un des plus anciens casinos d’Amérique du Sud. L’hôtel O’Higgins n’allait exister qu’en 1936. Le Miramar en 1945. La ville n’était pas aussi connue que maintenant, mais elle attirait déjà les chiliens et de nombreux visiteurs internationaux. Mon grand père avait la sclérose en plaques et malgré cela, il voyageait énormément, souvent d’ailleurs pour se soigner. Il aimait la route. Plus tard, il traversa la Palestine, la France où nous allions un jour aller vivre, l’Allemagne en 1934… Il lui arrivait de passer plusieurs mois dans un endroit. Ici, il est avec ma grand-mère d’origine autrichienne. Quand je l’ai connu, il était déjà très malade et ne voyageait plus, mais il aimait regarder de temps en temps des photos comme celle-ci. Toute une manière de voyager et de vivre depuis longtemps disparues.

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Montana, Missoula, bars et écrivains

Missoula, c’est la halte des cow-boys, la pause des écrivains, la civilisation pour ceux qui vivent isolés dans un autre monde, quelque soit leur job. Et les bars de Missoula, c’est l’inspiration à portée de bière. On ne compte plus les anecdotes qui s’y racontent. Comme on ne compte plus les portraits d’habitués inconnus, de sportifs célèbres, d’écrivains s’étant finalement fait un nom, accrochés aux murs. Il n’y a qu’à pousser la porte (quand elle n’est pas déjà ouverte). Tout est là, à même la rue, flottant dans une sorte de bouillon opaque. Une anecdote ? Voyons… C’était un soir. Richard Hugo, James Welch et J.D Reed entrèrent au Dixon bar après une bonne partie de pêche. Aidés de quelques verres et avec la nuit qui avançait, ils décidèrent d’écrire chacun un poème ayant pour titre «The only bar in Dixon». Tous les trois envoyèrent leur version au New Yorker. Et à leur grand étonnement, les trois poèmes furent publiés, côte à côte, dans le même numéro du 10 octobre 1970, sous le titre « The Only bar in Dixon ». Les bars de Missoula ont toujours cet air d’enfermer des trésors. Il n’y qu’à entrer, s’asseoir, et commander une bière.

Quelques bons bars de Missoula (et mes écrivains favoris) :

Charlie’s B, 428 North Higgins

Jack’s, 109 Taylor St Saco

The Depot, 201 W.Railroad Avenue

The Rhino, 158 Ryman Street

Missoula Club Burgers & Beer, 139 West Main Street

Stockmans café & bar, 125 W.Front Street

Fréquentés un jour ou l’autre par : Jim Harrison/NormanMCLean/Richard Hugo/James Welch/J.D Reed et d’autres…

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Montana, Missoula, the (great) Wilma Theater

Après la sauvagerie du Wyoming : Le Montana et Missoula. Autant dire une claque de sophistication ! Immeubles, rues, boutiques, êtres humains…Et en plein sur Higgins Avenue, le Wilma. Ah, le Wilma ! Un vrai petit miracle. La certitude que dans ce monde d’éphémère certaines choses peuvent durer. Vous la voyez cette superbe enseigne rétro ? Cette vieille guérite à billets ? Vous le sentez ce doux arôme fané ? L’arrivée à Missoula par Higgins Avenue fait penser à un film des années 30. La vaste avenue s’ouvre comme une voie royale, bordée d’immeubles art déco. Le Florence Hôtel (111 N.Higgins, construit en 1888 pour accueillir les voyageurs de la toute nouvelle Northern Pacific Railway), the Atlantic Hôtel (519 N. Higgins, datant de 1902), the Bellows Residences (1637 S.Higgins, construit en 1909), Le Dixon Duncan Block (240 N.Higgins, remontant à 1897), the Hammond Arcade (101 S.Higgins, avec son intérieur des années 30 encore en l’état)… tous inscrits au National Register of Historic Places.

Et puis, il y le Wilma et son histoire fantastique. Une œuvre architecturale autant qu’humaine. Celle de W.A « Billy » Simons qui créa ce théâtre pour sa femme Edna Wilma. A eux deux, ils apportèrent culture et amusement dans le Montana. Billy organisait des shows. Wilma chantait et dansait, (elle avait connu le succès avec sa sœur, dans un numéro qui les avait emmenées à travers tout le pays). A la mort de Billy, Wilma continua à chanter, à tenir le théâtre (et prit aussi un mari de quelques vingt ans plus jeune qu’elle). Elle tint bon durant la dépression et la guerre, s’engagea dans la Croix Rouge, voyagea souvent à New York à la recherche de nouvelles idées de décorations pour le théâtre. Quand elle mourut, en 1954, dans ses appartements du Wilma, elle dirigeait 19 autres théâtres dans l’ouest des États-Unis. Son mari commença alors une histoire avec Bob Sias, qui devint aussi son partenaire en affaires, mais ils n’étaient aussi doués que Wilma et à partir de là, le théâtre allait connaître de nombreuses nouvelles vies. Certains se rappellent les cours de danse qu’on donnait dans la salle de bal, dans les années 30. D’autres, de la boutique de vêtements très glamour qui faisait fureur au 8ème étage. D’autres encore, de la piscine au sous-sol. Vous humez toute cette légende qui court le long des murs ? Toutes ces histoires qui filent entre les cloisons. Vous le sentez, ce grand coup de baguette magique ?

http://thewilma.com

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