L’autre jour, quelqu’un m’a demandé si je connaissais le Rwanda, si j’avais un endroit où aller. Cela m’a fait plaisir. Il y a des pays dont on ne parle jamais de manière positive. Ils ne sont pas non plus sur les cartes touristiques. C’est comme s’ils n’existaient pas hors de leurs périodes noires. C’était, pendant longtemps, le cas du Chili et cela me désolait. Quand je suis allée à Atacama, même mon père m’a dit « mais qu’est ce que tu vas faire là-bas ? ». Hors, j’ai toujours pensé que c’était dans ces périodes d’entre deux que ces pays étaient les plus passionnants, quand ils émergent, que les gens sont gentils, remplis d’espoirs, disponibles et assoiffés de meilleur, pleins de bonne volonté. Ils n’ont pas encore été assaillis par les touristes. Souvent, ils n’en ont même jamais vu. Cela les rend aussi étonnés que ceux qui y vont. Il y a un équilibre.
Si j’avais écouté tous ceux qui m’ont dit « ne vas pas là, « je n’aurais pas vu les temples d’Angkor sereins, complètement vides, très loin du rush de ces dernières années, ni le désert d’Atacama sans un seul hôtel, comme si j’étais la première à y mettre les pieds. Je n’aurais pas pris un thé dans l’atmosphère étrange et fantastique du Galle Face Hôtel de Colombo, inchangé depuis cinquante ans. Ni aurais-je vu la Lybie et les ruines de Leptis Magna comme si je me promenais dans mon propre jardin.
C’est en partie parce que le Chili a attrapé la vague touristique et parce que des gens ont bien voulu y aller quand on n’en parlait pas, qu’il est si solide économiquement aujourd’hui. Il faut aller dans ces pays dans ces moments de flottement. On voit alors des choses qu’on ne reverra sans doute plus. On vit des expériences uniques. C’est là que le pays montre ce qu’il a dans le ventre.
J’ai retrouvé cette photo prise pendant une mission humanitaire de mon mari au Rwanda en 2000 (ici, un matin, en route pour l’hôpital de Kigali). J’y allais aussi, pour écrire une histoire pour National Geographic (sur mon site). Il y a les enfants qui jouent sur leurs vélos. Le regard. Le moment. Évidemment, nous avions autre chose en tête que le tourisme, mais je me souviens de l’ambiance, des gens qui riaient, qui s’amusaient, qui blaguaient, qui étaient contents de nous voir, qui voulaient tourner la page, passer à autre chose.