Chili, Rancagua – Recuerdos y mucho mas

J’ai grandi dans la région de Rancagua, à une heure au sud de Santiago, au centre du Chili. Chaque matin, j’embarquais dans la 2CV de ma mère (la meilleure voiture pour traverser les champs selon elle), elle me ficelait comme un saucisson, (il n’y a avait pas de ceintures de sécurité), et on filait pour l’école dans un nuage de poussière. Quand je dis 2CV, je me comprends. A l’époque (début 1970), les français avaient importé de pièces détachées de 2CV que les Chilien devaient monter sur place – bien moins cher que de transporter des voitures entières. Cela donnait notre Citroneta nationale, ou « petite Citroën » – une berline-pick-up-franco-chilienne, avec l’arrière aussi carré qu’un logement le Corbusier et une grosse roue de rechange pour le côté jeepesque. La route était bordée d’eucalyptus géants et de la fenêtre, je pouvais voir la Cordillère des Andes et la cordillère de la côte (plus petite et parallèle aux Andes), qui font de cette vallée centrale un cocon doux totalement inattendu dans un pays où la géographie est une furia permanente. En une seconde, la voiture était pleine de parfums de menthol et d’air pur des Andes.

Après le chemin d’eucalyptus, ma mère attrapait la Carretera Panamericana qui relie L’Alaska à Puerto Montt, sauf que pour nous, l’aventure s’arrêtait à Rancagua. Sur la Plazza de los Heroes il y avait toujours plein de monde, à pied, à cheval, des vieux, des jeunes, des huasos (les cow-boys chiliens) sortis de leurs fundos pour commenter les affaires locales, des mères de familles pressées comme la mienne… Quand j’y allais avec mon père, il trouvait tous les mètres un autre huaso pour parler d’une urgentissime question politique. Avec ma mère, les questions se discutaient entre femmes, au marché, et pour que je me tienne tranquille, elle m’achetait un dulce chileno, une pâte feuilletée remplie de manjar blanco (sorte de crème de caramel). Du beurre, du lait, du sucre, en quantité industrielles, sauf que là, c’était fait maison (casero), avec amour, et donc, doublement bourratif. Mon odorat était si habitué au parfum du dulce que je pouvait le sentir à peine la Citroneta pilait devant le marché. Et bien après même, quand je rentrais de l’école par un chemin envahi de boldos, de lingues et de tous les arbres qui n’existent que dans cette région du Chili, et que les parfums de la végétation se mêlaient aux traces de manjar qui étaient restées collées sur mon uniforme.

J’ai gardé précieusement deux adresses formidables quand j’ai fait mon reportage sur les huasos pour National Geographic (avec Franco Zecchin). Une occasion de voir autre chose de l’Amérique du Sud et du Chili que le désert d’Atacama et la Patagonie… Et à seulement une heure de Santiago.

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