Rwanda – Une photo. Un moment

L’autre jour, quelqu’un m’a demandé si je connaissais le Rwanda, si j’avais un endroit où aller. Cela m’a fait plaisir. Il y a des pays dont on ne parle jamais de manière positive. Ils ne sont pas non plus sur les cartes touristiques. C’est comme s’ils n’existaient pas hors de leurs périodes noires. C’était, pendant longtemps, le cas du Chili et cela me désolait. Quand je suis allée à Atacama, même mon père m’a dit « mais qu’est ce que tu vas faire là-bas ? ». Hors, j’ai toujours pensé que c’était dans ces périodes d’entre deux que ces pays étaient les plus passionnants, quand ils émergent, que les gens sont gentils, remplis d’espoirs, disponibles et assoiffés de meilleur, pleins de bonne volonté. Ils n’ont pas encore été assaillis par les touristes. Souvent, ils n’en ont même jamais vu. Cela les rend aussi étonnés que ceux qui y vont. Il y a un équilibre.
Si j’avais écouté tous ceux qui m’ont dit « ne vas pas là, « je n’aurais pas vu les temples d’Angkor sereins, complètement vides, très loin du rush de ces dernières années, ni le désert d’Atacama sans un seul hôtel, comme si j’étais la première à y mettre les pieds. Je n’aurais pas pris un thé dans l’atmosphère étrange et fantastique du Galle Face Hôtel de Colombo, inchangé depuis cinquante ans. Ni aurais-je vu la Lybie et les ruines de Leptis Magna comme si je me promenais dans mon propre jardin.

C’est en partie parce que le Chili a attrapé la vague touristique et parce que des gens ont bien voulu y aller quand on n’en parlait pas, qu’il est si solide économiquement aujourd’hui. Il faut aller dans ces pays dans ces moments de flottement. On voit alors des choses qu’on ne reverra sans doute plus. On vit des expériences uniques. C’est là que le pays montre ce qu’il a dans le ventre.

Photo : Patrick Zachmann/Magnum.

J’ai retrouvé cette photo prise pendant une mission humanitaire de mon mari au Rwanda en 2000 (ici, un matin, en route pour l’hôpital de Kigali). J’y allais aussi, pour écrire une histoire pour National Geographic (sur mon site). Il y a les enfants qui jouent sur leurs vélos. Le regard. Le moment. Évidemment, nous avions autre chose en tête que le tourisme, mais je me souviens de l’ambiance, des gens qui riaient, qui s’amusaient, qui blaguaient, qui étaient contents de nous voir, qui voulaient tourner la page, passer à autre chose.

www.rwandatourism.com

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Sardaigne, La Maddalena, le Zaca et Errol Flynn

Dans ma famille, on a souvent vécu sur des bateaux. Des paquebots surtout, dans les années 50, 60, mais pour moi, tous les bateaux ont la même poésie. C’est toujours un univers de voyage, de liberté, de fuite, d’ailleurs, loin et infini. J’ai eu de la chance. Ce week-end là, le Zaca était à quai. Un bijou. 35 mètres tout en bois, et une biographie inouïe. Et pas seulement à cause d’Errol Flynn. En fait, ce bateau là n’aurait jamais dû naître, vu que sa construction commença en 1928, juste avant la grande dépression. La crise n’empêcha pourtant pas son premier propriétaire, Templeton Crocker, un milliardaire américain passionné d’ethnologie, de finir son projet et de partir faire le tour de la terre à bord de ce qu’il voulait être, le voilier le plus luxueux du monde. Ils naviguèrent partout. De la baie de Sausalito aux Marquises, à Tahiti, Bali, Java, Singapore, Egypte, Malte, Cannes, Tenerife, Guatemala, San Diego, Santa Barbara et j’en passe… Des voyages comme on n’en fait plus, qu’il raconte dans ses carnets de bords, ses albums photos, toutes sortes de témoignages conservés maintenant à la California Academy of Sciences.
Au moment de la guerre, il décida de le vendre à la US navy qui en fit une station de radio.
En 1946, l’acteur Errol Flynn l’acheta, et à partir de là, l’histoire se complique. Il commença par s’en servir pour une expédition scientifique à Acapulco – un fiasco complet. L’équipe déserta sitôt de retour. Errol Flynn décida alors de former un équipage mexicain et le loua à Orson Wells et Rita Hayworth pour le tournage de The Lady de Shangai.
On le retrouve ensuite à la Jamaïque, que l’acteur appelait sa maison. Ni l’un ni l’autre ne sont alors très en point. L’alcool, les drogues les fêtes, les copains d’Hollywood, tout se mélange à bord. Par manque d’argent, le Zaca n’est plus entretenu. En 1952, Errol Flynn quitte les États-Unis, ou les fuit, comme on veut, et vit à bord, à Palma de Mallorque. C’est la fin. Les fêtes continuent. Les rumeurs aussi. Quand il meurt à 50 ans, usé jusqu’à la moelle, le Zaca est aussi en fin de course. Abandonné à Villefranche-sur-Mer dans un état déplorable, les habitants demandent même à ce qu’il soit exorcisé pour le débarrasser de ses démons…
Aujourd’hui, il appartient à un homme d’affaire italien, charmant, qui a eu la gentillesse de faire une petite visite privée. Une expérience, vraiment. En passant de pièces en pièces, petites comme des coques de noix, en regardant les meubles victoriens, l’incroyable cheminée, je me suis dit que c’était comme entrer dans nos propres ténèbres intérieures. L’extérieur présentait parfaitement, rutilant, tout briqué de frais, l’intérieur était peuplé de combats, d’hallucinations, d’événement bizarres, de silhouettes du passé.

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Sardaigne, La Maddalena – Week-end léger

J’ai aimé la vieille ville, la vie simple des gens qui vont et viennent sur la place, qui se retrouvent et discutent dans ce qui sert de grande rue, la seule en fait (via Garibaldi). On voyait qu’ils se connaissaient, qu’ils avaient leurs habitudes, qu’ils se moquaient pas mal des touristes. De toute manière, des touristes, il n’y en avait pas, ou si peu. On avait l’impression d’entrer dans l’intimité des gens. Là où il aurait fallu des semaines dans une grande ville, ici, cela se faisait naturellement et tout de suite. Il y avait un vieux salon de thé ouvert sur la rue, un magasin de chaussures, « vintage » évidemment, avec des cartons empilés jusqu’au ciel dans l’arrière boutique. Des personnes âgées qui allaient acheter leurs billets de loteria. Des marins débarqués de frais, errant de coin en coin, histoire de se dégourdir les jambes. Un marché aux poissons rempli de mamma venues acheter la pêche du jour… Mille et une petites histoires quotidiennes. Je les imaginais tous, rentrant ensuite chez eux, racontant les nouvelles, préparant le repas, faisant un sort à ceux qu’ils avaient rencontrés. Avec la lumière un peu fanée, on se serait cru dans l’Italie des années 60. Le trajet avait déjà bien cadré l’ambiance. Avion pour Olbia, taxi jusqu’au port et ferry jusqu’à l’île. Une bonne mise en forme. L’archipel est un parc naturel protégé et on ne peut y arriver qu’en bateau. Si vous regardez sur internet vous verrez… On n’en dit que du bien. Il y les eaux vertes, blanches, turquoises, et les criques complètement sauvages. Des variétés de paysages comme on en trouve rarement dans un espace aussi limité. Et dès le matin, la petite piazza Garibaldi remplie de monde devant l’église. Le coin plus moderne, c’est vers le yacht club. Ce week-end là, des amis organisaient une régate. C’était même la raison du week-end. Encore du voyage et de l’aventure. Le soir, on s’est tous retrouvés à une fête sur la plage, dans une crique perdue où les gens allaient habituellement se baigner. J’avais l’impression d’être à Zapallar ou en Californie, dans une de ces criques isolées et brutes qui donnent envie de rester là, juste à regarder, à profiter du charme, de tout et de rien. C’était week-end pour se laisser flotter. Léger. Léger. Léger.

Quelques idées : Maddalena hôtel & Yacht Club – Sardegna da Mangiare e da bere (Epicerie-Piazza Garibaldi 10) – Shopping (très vintage !), Via Garibaldi – National park Archipelago of la Maddalena sur internet – Restaurants : Magreta (en ville avec terrasse, Via Mazzini 2/4), L’Ottava Isola (pour les homards/restaurant de famille sur l’eau).

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