Sardaigne, La Maddalena – Splendide isolement

La Maddalena, c’est pour tout de suite, ou presque. Une île comme on n’en fait plus (entre la Sardaigne et la Corse). Un village minuscule et charmant. Des habitants qui se retrouvent sur la place, devant l’église, hommes d’un côté, femmes de l’autre. Des boutiques désuètes en diable (ah, cette ambiance). Des cafés remplis de vieux copains ridés comme des pruneaux qui refont le monde. Un yacht club (et ses surprises). Antonioni et son Deserto Rosso qui flotte ici et là. De l’Italie vraie comme s’il en pleuvait. Et du soleil, du soleil. L’été qui arrive. Enfin !

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Las empanadas

Un voyage, ce n’est pas qu’un déplacement, des endroits, des adresses. C’est parfois un moment qui fait partir à des millions de kilomètres sans bouger d’un pouce.

Comme l’autre jour, dans la cuisine de ma mère. Elle préparait les empanadas et ça a commencé. Doucement d’abord. Et ensuite, plus clairement. La plupart des voyages commencent comme ça. Nous étions seules dans la pièce. Nous aurions pu être chez elle, en Écosse, ou bien à Rancagua. Soudain, j’eus l’impression de m’envoler. Elle découpait la pâte et j’ai revu notre arrivée à Paris. Quand personne ne savait où se trouvait le Chili. Quand les gens pensaient que nous étions noirs et parlions portugais… Personne n’avait vu une famille comme la nôtre, chilienne, écossaise, qui avait traversé le monde en train, bateau, voiture, pour venir en France. Quant à notre situation, notre vie d’avant… Pas la peine d’en parler, j’en ai vite pris mon parti.

Les empanadas cuisaient. Ma mère et moi avons continué à bavarder en nous préparant des bloody Mary. L’ambiance… Pas vraiment celle d’une cuisine ni d’une maison classique. Avec une carabine dans un coin (celle de mon ancêtre Don Manuel Francisco), des poteries coloniales (huacos), des mates en argent sud-américains, des carnets de notes en anglais, espagnol, français (et je ne compte pas les mixtures). Ah, ça, pas une de ces cuisines-laboratoires froides comme la morgue, loin de là.

Ma mère portait son tablier de peinture (elle est peintre). Ses toiles et ses pinceaux étaient à côté de La Buena Mesa (de Olga Budge et Edwards, datant des années 30), la bible « pour toutes les ménagères chiliennes parfaites ! » a dit ma mère avec un regard malicieux. Allait-on mettre du sucre sur les empanadas ? Ça, a dit ma mère, c’était plutôt sur les empanadas de queso (de fromage chanco). Nous, c’étaient celles à la viande. On préférait. On était d’accord. On s’est souvenues que le jour de la fête nationale, le 18 septembre, on en trouvait des toutes petites, une sous-dynastie d’empanadas, los pequenes. Délicieuses, surtout avec de grandes rasades de chicha (sorte de jus de fruit alcoolisé).

Les empanadas ? Glorieuses (un jour, je parlerai des recettes de ma sœur, un voyage aussi…). Nous avons continué à discuter et moi, je pensais, combien de fois a t-on un tel moment, un pareil échantillonnage d’éléments réunis ? L’histoire, l’exotisme, l’humain, les tornades du destin, l’élégance de l’instant, les petites choses marrantes et émouvantes de la vie et en toutes les langues… Un vrai, un grand voyage. Point à la ligne.

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Comment j’écris mes livres

Quand j’ai écris mon premier livre, il n’y avait ni internet, ni Google, ni aucune des facilités qu’il y a aujourd’hui pour entrer en contact avec le monde. Tout se faisait par téléphone fixe ou fax. Les 30 destinations que compte ce premier livre (et que j’ai toutes visitées), je les ai trouvées principalement en allant dans le bibliothèques et en discutant avec des amis. Je commençais mes journées au Centre Pompidou. Ensuite, je téléphonais et j’envoyais des fax aux quatre coins de la planète. C’était un vrai labeur, répétitif, solitaire, qui pour faire quelque chose de bien demandait une persévérance de tous les diables. Quand j’y repense, cela me parait assez fou. Je devrais tenir compte des décalages horaires (pour téléphoner du moins), ce qui fait que pendant un bon bout de temps, j’ai été quasiment suspendue au bout du fil 24 h sur 24, de Rio à Tokyo. Il me fallait expliquer mil fois mon projet à la personne, ou aux personnes, au bout de la ligne car pas moyen d’envoyer un simple lien sur lequel cliquer. Quand les réponses arrivaient enfin, elles me réveillaient au milieu de la nuit, mes interlocuteurs faisant allégrement l’impasse, eux, sur le décalage horaire. Je me rappelle mon euphorie, en découvrant dans ma boite aux lettre des paquets en provenance de Hong Kong ou de Patagonie, remplis de documents et de photos qui allaient me permettre d’écrire une belle histoire. Ma déception, quand après des mois de tractations, les dits paquets arrivaient avec seulement quelques feuilles de papiers inutilisables.

Internet a tout balayé. Les moments d’attente atroces à remuer ciel et terre pour obtenir un document en songeant à la deadline. Les explications interminables dans toutes les langues possibles. Les piles de fax que j’emportais avec moi, à toutes fins utiles. Et aussi, l’atmosphère d’inconnu total que comportaient alors les voyages.

Je suis pourtant restée old fashion. J’écris mes premières impressions d’abord sur un carnet. Pendant mes voyages, je prends des notes, des photos, je fais des collages, des dessins tout cela constitue ma base de données. Ensuite, j’élague. C’est souvent douloureux, car j’ai horreur de jeter. J’ai le sentiment d’abandonner le meilleur. Mes histoires demandent une construction très précise. Comme je n’ai pas une place infinie et qu’il y a des choses qui me semblent importantes, je morcelle pour trouver le meilleur équilibre. Une dose de composante personnelle. Une dose de références à des artistes que j’aime (c’est le propre de la série Hotel Stories). Une dose de descriptions de lieux. Je vois ça comme un film. L’entrée en scène des personnages, le décor, le point de vue du réalisateur. Je ne me compare pas à John Ford, loin de là, mais j’ai beaucoup appris en lisant des livres sur les techniques des westerns qui ont fait découvrir l’Amérique aux Américains en montrant des personnages constamment en déplacement. J’essais de garder cette idée de mouvement, cette notion d’action, de faire en sorte qu’il se passe quelque chose. Pas seulement de parler de voyages ou de lieux, mais si je peux, de raconter des histoires.

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